samedi 5 février 2011

De Boutigny à la Venise briarde

Comme chacun le sait, la Seine-et-Marne est l'un des fleurons de la République Française. Bien qu'intégrés de force à cette Île-de-France pour laquelle ils n'ont que mépris et qui ne leur a apporté qu'un colonialisme incarné par, en vrac, le TGV, Disney, la merdique ville nouvelle de Marne-la-Vallée, les cités dortoirs, l'alphabétisation et l'eau courante, les Briards ont su garder toute leur authenticité.
C'est peut-être d'ailleurs pour cela qu'ils continuent à résister tant bien que mal aux velléités d'imposition d'un hygiénisme qui s'accorde mal aux moeurs fromagères, ce qui explique que ce département soit la lanterne rouge de l'Île-de-France pour l'espérance de vie, comme on peut le lire sur le blog de Claye-Souilly. Évidemment, par "lanterne rouge", il ne faut pas entendre "élite éclairée du prolétariat en lutte pour des lendemains qui chantent via l'appropriation collective des moyens de production".

C'est donc cette authenticité qu'allaient explorer, une fois de plus, l'AX et ses aventuriers, chevaliers des temps modernes, qui n'hésitent pas à braver tous les dangers pour enfin faire connaître à la civilisation les coins les plus reculés des contrées les plus barbares. En l'occurrence, Excel a sélectionné Boutigny. Attention, il ne faut pas confondre la merveilleuse Boutigny (77) avec l'infâme Boutigny-en-Essonne qui a été ainsi rebaptisée précisément pour ne pas la confondre avec la précédente et dont le site internet a vraisemblablement été réalisé par un daltonien neurasthénique.


Il veut certainement parler de Boutigny, dans l'Essonne

Boutigny est réputée, parmi les peuplades qui côtoient parfois les Boutignaciens et plus rarement parmi les trafiquants d'armes Ouzbeks, pour son golf. Tout un programme. C'est donc vers cette destination improbable que se sont dirigés nos héros par une belle journée d'automne. Ils avaient pris soin de s'accompagner d'un autochtone briardophone (votre serviteur) susceptible d'amadouer les indigènes qui peuvent parfois se montrer agressifs envers les étrangers et pour lesquels "étrangers" recouvre globalement tous ceux qui vivent au-delà de Crécy-la-Chapelle, Rozay-en-Brie, Lizy-sur-Ourcq ou La Ferté-Gaucher.

Notre périple débuta par une aimable rencontre avec la Douane volante qui apprécia particulièrement de découvrir dans l'AX des canettes de bière vides, un drapeau albanais et une épée en plastique (contrefaçon chinoise mais les douaniers n'y ont vu que du feu). Après une fouille au corps sommaire, nous pûmes repartir sur les belles routes seine-et-marnaises.

La visite de Boutigny se déroula sans heurts. Les habitants étaient largement calfeutrés chez eux, probablement à cause du Mildiou, de l'épidémie de choléra et des superstitions locales qui interdisent de sortir de son domicile le week-end sous peine de se faire enlever par des elfes satanistes alliés aux extra-terrestres (on l'ignore trop souvent, la Seine-et-Marne accueille une forte communauté de Témoins de Jéhovah).
Boutigny semble être parvenue, depuis le XVIIIème siècle, à éviter le développement démographique, de même que le développement économique, ce qui lui permet de garder aujourd'hui encore un charme médiéval malgré ses 842 habitants.
Nous prîmes de petits chemins qui nous menèrent de part et d'autre du village jusqu'à un lieu étrange où les jeunes Boutignaciens viennent profiter pleinement de leurs plus belles années : le terrain de vélocross.



Assez rapidement, nous repartîmes afin de visiter la belle ville qu'on appelle (lorsqu'on y habite, et encore, probablement pas tout le monde) la Venise briarde : Crécy-la-Chapelle. Le rapprochement avec Venise est, disons-le tout net, pour le moins audacieux. Certes, le Grand Morin traverse la ville en se divisant en plusieurs segments. Certes, on y trouve en conséquence de nombreux ponts. Mais la comparaison s'arrête là. Si le Morin se prête à la navigabilité d'embarcations très légères (barques à rames, kayaks,...), on n'y voit guère de gondoles et les Créçois, lorsqu'ils se déplacent, ce qu'ils évitent le plus possible, préfèrent éviter les voies d'eau.
Notons tout de même la présence remarquable à Crécy-la-Chapelle d'un bar où l'on peut trouver de la bière et d'un restaurant chinois où l'on trouve des plats chinois.

Après un débat houleux (une partie de nos héros voulait retourner derechef vers la civilisation), l'AX a finalement pris la route de Saint-Rémy-de-la-Vanne pour profiter de l'hospitalité locale et déguster quelques breuvages industriels à base de houblon devant un bon feu de bois avant de rentrer sur la capitale.

A noter que ce voyage n'aurait pas eu autant de sel s'il ne s'était pas déroulé en période de pénurie de carburant en raison de la révolte de la populace contre les justes mesures du gouvernement visant à le faire travailler plus vieux pour mourir plus jeune.

3 commentaires:

  1. Un bien bel article. Pour une fois que la Seine-et-Marne se prête à une description fidèle. Il faudrait répéter l'expérience de l'autochtone embarqué pour de prochains voyages, lui seul parvient à rendre vivant les coutumes et anecdotes locales. Ainsi, qui d'autre que l'ami Kapal était mieux à même de nous donner à voir le complexité de la Venise briarde. Expression que nous autres, estrangers, n'aurions pas pensé à remettre en cause. Merci Kapal.

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  2. Très très bel article Kapal. Tu as néanmoins oublié de mentionner les difficultés de l'ambassadeur pour nous délivrer le visa briard en temps et en heure. Ce sont les aléas du voyage.

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  3. Cher Homo Kapal,
    j'ai le plaisir de t'annoncer que ton paragraphe introductif rejoindra sous peu mon carnet de citations-et-autres-pensées-glanées, pourtant resté fermé ces derniers mois.
    Merci.

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