lundi 28 mars 2016

Saclay vint Dieu

Parfois les signes sont évidents, mais personne n’est là pour les interpréter correctement. C’est ce qui s’est passé ce dimanche. Ce n’est qu’à tête reposée, que j’ai vraiment pris conscience de ce qui nous était arrivé en ce weekend pascal. Nulle part il n’était écrit que l’idfax renaîtrait de ces cendres, et bien peu nombreux étaient ceux qui auraient pu prédire que cela se passerait le jour d’une autre Résurrection.

Nous sommes en 2016 aujourd’hui, bientôt quatre ans après la dernière note de ce blog. Depuis 2012, beaucoup de choses ont changé. Ainsi, Nicolas Sarkozy, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan sont candidats à l’élection présidentielle, les jeunes s’échangent des nudes sur Snapchat, tout récit dépassant les 140 caractères est jugé aussi passionnant que les Pages Jaunes, et l’AX est devenue Xsara, break. Tant qu’il y a des chevrons.

A l’heure de l’appel ce matin-là, outre le fier véhicule qui nous mena à Villeconin, à Limeil-Brevannes ou à Boutigny, manquait également son plus élégant conducteur, Vinjo, histrion délaissant le septentrion, appelé à une vie moins francilienne. Restaient donc, en plus de votre serviteur, le 2de classe Capdevielle et laBotte. A cette joyeuse équipe s’est greffé le fils de ces deux derniers. Son prénom ne sera pas divulgué ici car il est encore mineur pour au moins quelques années, et de nos jours, l’on se soucie de ce genre de choses ; sachez seulement que son prénom est l’anagramme de la fête de la Nativité célébrée le 25 décembre, et qu’un tel destin en fait immanquablement le véritable héros inattendu de cette aventure mystique.


Et c'est parti pour de nouvelles aventures, Milou !
Et c’est donc à Saclay, en Essonne que nous conduit le hasard. Saclay et son église Saint-Germain, édifice du Moyen-Âge où l’on fêtait la Renaissance du Christ. Intrigués par, mais respectueux et soucieux de ne pas déranger les chants liturgiques émanants du bâtiment, nous partîmes à la découverte de la commune. Si elle osait, la laideur banlieusarde périurbaine le disputerait sans doute au vide et à l’ennui dominical pavillonnaire, et alors il se passerait quelque chose. Mais elle n’ose pas, ici on ne se dispute pas, et c’est moche, et on s’emmerde. Comme si tout était fait pour nous ramener vers la Maison de Dieu, car c’est une toute autre beauté qui devait nous saisir ce jour-là.

Si vous n'avez pas l'intention de visiter Saclay, voici le principal point d'intérêt du bourg. C'est une boîte aux lettres.

Alors qu’il avait pris son père pour Saint-Christophe et paradait sur ses épaules, notre jeune héros fut frappé en entrant dans ce lieu saint pourtant minimaliste. Lui qui d’habitude ne mâche pas ses mots restait comme interdit, ébahi, interloqué, il venait comme nous de recevoir la nouvelle de la confirmation de la résurrection de Jésus, mais comme il n’a que 2 ans, peut-être y a-t-il cru. A la fin de la messe, tout le monde se serre la main en disant « Paix du Christ », et cela peut parfois poser problème, par exemple en cas d’épidémie de fièvre Ebola.


un selfie de Jésus avec Saint-Christophe, pour les impies qui n'auraient pas capté la référence

En un coup de volant, nous voici au hameau Le Christ-de-Saclay. Ce n’est pas le hasard mais bien la main divine qui guide nos pas. Je m’agenouille devant un JC désormais ressuscité, et là comprends que la fille aînée de l’Eglise nous a fait une sacrée crise d'adolescence. Ce qui fut jadis un Jésus glorieux trônant au milieu d’un carrefour à l’allure noble, n’est plus aujourd’hui qu’un vulgaire badaud en bois, goguenard et dépenaillé, crucifié caché des regards sur la bretelle d’un rond-point anonyme de l’Ile-de-France que seule une connaissance wikipédiesque de la région nous permet de ne pas manquer et d'apprécier à sa juste valeur.
Le fameux Christ de Saclay, on ne vous avait pas menti...

Tellement mécréants que nous sommes honnis de Saint-Jacques de Compostelle à Raqqa, nous n’avons pas mangé le corps du Christ lors de l’épisode de la messe et mourrions de faim. Le chef lieu de canton, GIF-sur-Yvette, commune un peu plus animée (vous remercierez le jeune Capdevielle pour cette blague) nous permit de nous restaurer. Et de constater que c’était désormais une certitude, notre jeune héros était habité. Après avoir fait plusieurs fois le tour d’une aire de jeu comme les fidèles chiites se meuvent en sanglotant en cercle autour du tombeau de l’imam Reza à Mashhad, après s’être saisi d’un bâton de bois et en avoir frappé frénétiquement une pierre coupable d’avoir été là, répétant et criant « la petite fille, la petite fille ! », dans une dramaturgie digne des célébrations de l’Achoura à Kerbala, après les cris et les pleurs, le doute n’était plus permis.

A deux doigts d’appeler un exorciste, nous n’en eûmes finalement pas besoin, car une fois le jeune garçon apaisé, et allongé à moitié nu, déculotté, dans le coffre de la Citroën Xsara, nous nous rendîmes compte qu’il avait, en fait, fini par expulser le Sheitan par les voies naturelles.

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